Pieter Bruegel (1563)
L'être humain cherche toujours à évoluer, à se dépasser, à se surpasser, est sans cesse en quête de perfection, d'absolu, et ce, depuis la nuit des temps.
Le mythe de la tour de Babel en est un exemple. Cette tour est évoquée dans la Genèse. Après le Déluge, les hommes entreprennent de bâtir une ville et une tour dont le sommet touche le ciel. Leur souhait est d’atteindre Dieu.
Ils parlent tous la même langue. Dieu les voit, et estime que s'ils y arrivent, rien ne leur sera inaccessible. L'homme arrivé au sommet de la tour peut se prendre pour Lui. Alors il interrompt leur projet en brouillant leur langue afin qu'ils ne se comprennent plus, et les disperse sur toute la surface de la Terre. La construction cesse. La ville est alors nommée Babel (terme proche du mot hébreu traduit par « brouiller») qui donnera notamment le mot babiller.
Babel signifie aussi la porte ou la cité du Dieu. Elle est souvent identifiée à Babylone.
Abel Grimmer (1604)
L’origine de ce mythe pourrait être la déportation à Babylone d’une partie de la population juive en 597 après la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor II (604-552). Les Juifs auraient été subjugués par la grande ziggurat du dieu Marduk, située au cœur du sanctuaire de l'Esagil. La ziggurat en elle-même était appelée « temple-fondation du ciel et de la terre ». Elle était conçue comme « le pivot qui réunissait le ciel et la terre et assurait l’unité de l’Univers ».
Les ziggurats ont été construites dans toute la Mésopotamie à partir de la fin du troisième millénaire. Etemenanki était exceptionnelle par ses dimensions. Elle avait une base de 90 mètres de côté et une hauteur équivalente. Cela devait en faire un des monuments les plus spectaculaires de toute l’Antiquité. Elle comptait probablement 7 étages, (le chiffre 7 avait une valeur symbolique en Mésopotamie).
Lodewijk Toeput - La construction de la Tour de Babel (1587)
Les hommes ont voulu s'élever au rang des dieux, jouir d'une puissance infinie, contrôler le monde du haut d'une tour. Ce faisant, ils défient Dieu, font preuve d'une extrême vanité, d'hybris (notion grecque que l'on peut traduire par démesure). L'homme qui commet l’hybris est coupable de vouloir plus que la part qui lui est attribuée par la partition destinale. La démesure désigne le fait de désirer plus que ce que la juste mesure du destin nous a attribué. Le châtiment de l’hybris est la némésis, le châtiment des dieux qui fait se rétracter l'individu à l'intérieur des limites qu'il a franchies. Hérodote l'indique clairement dans un passage significatif :
Cornelisz Anthonisz (vers 1505-1553)
« Regarde les animaux qui sont d'une taille exceptionnelle : le ciel les foudroie et ne les laisse pas jouir de leur supériorité ; mais les petits n'excitent point sa jalousie. Regarde les maisons les plus hautes, et les arbres aussi : sur eux descend la foudre, car le ciel rabaisse toujours ce qui dépasse la mesure. »
Si l’hybris est donc le mouvement fautif de dépassement de la limite, la némésis désigne le mouvement inverse de la rétractation vengeresse.
Les Grecs prônent une morale de la mesure, de la modération et de la sobriété. L'homme doit rester conscient de sa place dans l'univers, c'est-à-dire à la fois de son rang social dans une société hiérarchisée et de sa mortalité face aux dieux immortels.
Lucas van Valckenborch (1594)
Cette histoire pose les questions suivantes:
Le fait que Dieu disperse les hommes et fasse naître l’incompréhension entre eux en créant différentes langues, est-ce une bénédiction, une chance pour l’humanité ? Ou serait-ce depuis que les humains ont des difficultés à communiquer entre eux, alors qu'ils sont tous unis par la même humanité?
On peut considérer les choses de deux façons opposées:
Gustave Doré- La confusion des langues
La diversité, la différence, sont plus riches que l’uniformité, qui fait de nous des clones, des êtres sans aucune individualité.
Maître de Bedford (1423)
Cette légende est à rapprocher des mythes de Sysiphe, de Prométhée, d'Icare et Dédale et de notre condition humaine.
Nous cherchons sans cesse à nous dépasser, est-ce par nostalgie d’une époque reculée où nous étions parfaits ? Pourquoi cette quête incessante de la perfection, du surpassement de soi ?
Au coeur de cette légende, l'importance du langage, de sa maîtrise pour accéder au pouvoir. Celui qui sait manier la langue domine souvent les autres. Priver un homme de langage revient à le réduire à l'état de sujétion. Les mots sont empreints de pouvoir, peuvent changer le monde.
Adapté de Wikipedia
M.C. Escher (1928)