J'adore ce tableau de Vermeer, Jeune fille à la perle (1665-1666). Je trouve cette jeune fille très belle, j'aime l'expression délicate sur son visage, la finesse de ses traits, son teint de porcelaine, le contraste entre les couleurs de sa veste or et son turban bleu et or.
On dit de cette "Jeune fille à la perle" qu'elle est la Joconde du Nord. Et le souvenir de la "substance tendre et précieuse" de son visage hantait Paul Valéry. Le modèle porte un turban oriental que la guerre contre les Turcs a mise à la mode. Le tissu jaune-citron qui descend du turban possède un reflet d'or. Le col immaculé de la veste souligne l'apparence de candeur de la jeune fille . Elle se détache sur le fond sombre, par le seul effet de la lumière venue de gauche. Son visage rayonne et irradie la lumière.
Elle porte un pendant d'oreille en perle. La perle est un symbole de chasteté et de pureté dans la tradition biblique (aucun mot ou aucun bruit ne devrait entrer dans l'oreille que le doux bruit de chastes mots), mais également attribut d'artifice et de volupté, quand on pense à la sensation que provoque l'effleurement des perles sur la peau. Au regard de la croyante bourgeoisie de l'époque, cette interprétation irradie et pare d'une grande pureté morale et physique, celle qui la porte. Elle renforce la candeur des traits de la jeune fille et sublime l'énigme du portrait, entre innocence et culpabilité. Tout est là, dans cette tâche claire, point de tension du tableau, oscillant dans le mouvement de tête de la jeune fille.
De même que les yeux brillants, les lèvres humides et le teint clair, la perle contribue à illuminer le tableau, à accrocher la lumière.
Elle possède beaucoup de grâce, elle semble à la fois sensuelle et fragile. On dirait qu'elle interroge le peintre du regard, qu'elle espère ou attend quelque chose. Est-elle perdue dans ses pensées ? Ou bien est-elle surprise par quelque chose que nous ignorons ? Que s'est-il passé pour qu'elle tourne la tête ? Sa bouche est entrouverte. S'apprête-t-elle à parler ? On ne sait qui est le modèle du peintre.
Qui est cette jeune fille ? A la fois innocente, énigmatique, mystérieuse...
Scarlett Johannson
Pour Tracy Chevalier, auteur de La jeune fille à la perle, (2002) c'est une des servantes de Vermeer qui a servi de modèle… On a en tout cas très envie de croire à cette histoire car elle ajoute une nouvelle intensité à l'émotion que l'on ressent à la vue de ce tableau. On envie aussi cette relation privilégiée, incompréhensible et sensuelle entre le modèle et l'artiste. Les mots, les sentiments des personnages, leur intimité, même inventés de toute pièce, se mêlent au génie du peintre d'exception, qu'est véritablement Vermeer, et le subliment. Vermeer fera pénétrer sa servante dans son monde le temps d'un portrait. Innocente et ingénue à son arrivée, elle en ressortira changée, avec un regard neuf sur les choses. L'histoire se passe dans l'atmosphère de Delft, où la pénombre ambrée des scènes domestiques assourdit les couleurs des passions. Dans la Hollande du XIIè siècle, Griet, fille d'un faïencier contraint d'abandonner son métier, s'engage comme servante, et va travailler chez le peintre Ver Meer. Brimades, humiliations, travail ingrat seront désormais son lot.
Colin Firth
Griet trie les légumes en fonction de leur teinte.
Extrait :
"J'avais l'habitude de disposer les légumes en cercle, par catégorie, comme les parts d'une tarte. Il y avait cinq parts : choux rouge, oignons, poireaux, carottes et navets. Je m'étais servie d'une lame de couteau pour délimiter chaque part et j'avais placé une rondelle de carotte au centre.
Je n'aurais pu expliquer pour quelle raison je les avais arrangés de la sorte. Je m'étais dit que ça devrait être comme ça, un point c'est tout.
"Je vois que vous avez mis de côté les légumes blancs, reprit-il en montrant les navets et les oignons. Tiens, ceux de couleur orange ne voisinent pas avec ceux de couleur pourpre, pourquoi ça ?"
"Les couleurs jurent parfois quand elles sont côte à côte, Monsieur."
Ils sont semblables, prédestinés l'un à l'autre.......
Dans ce grand logis où courent les enfants, le peintre Ver Meer a sa vie secrète, cet Atelier où lentement mûrit la création de ses tableaux.
Vermeer est habité, pour ne pas dire hanté, par la fièvre créatrice…
Là, Griet découvre le monde de l'art et elle s'initie au silence du créateur, l'assiste dans son travail. Peu à peu, de façon clandestine, elle se met au service de la peinture, et servira de modèle pour la "jeune fille à la perle". Au fil du temps, la douceur et la sensibilité de la jeune fille émeuvent le maître qui l'introduit dans son univers. À mesure que s'affirme leur intimité, le scandale se propage dans la ville...
Tracy Chevalier, auteur américain des plus discrets jusqu'à présent, a imaginé l'histoire de l'inconnue et de sa rencontre avec le peintre. Il lui a semblé, a-t-elle dit, que Vermeer lui dictait son roman, à travers la simple contemplation du tableau. Seule Griet peut accéder au saint des saints, l'atelier. Elle l'aime. Il n'aime que son image.
Tracy Chevalier a eu l'heureuse idée de respecter le mystère qui entoure Jan Vermeer. La narratrice, c'est-à-dire Griet elle-même, sait peu de choses de son maître. Il ne parle guère, ne s'explique pas. Il ne l'approche qu'une fois, pour un simple effleurement, dans lequel se concentre tout l'érotisme de leur relation. Il reste le seul être qui lui ait donné accès à la beauté, quelque temps dans cette pauvre vie de misère et de labeur.
Tout dans la vie de Vermeer est teinté d'obscurité - méconnaissance de sa vie personnelle, période d'apprentissage qui reste une énigme, toiles non datées. De même ce portrait est énigmatique.
Ce tableau est fascinant. L'expression de cette jeune fille est équivoque, antinomique. Son visage enfantin est teinté d'ingénuité, ses traits ont encore la pureté de l'enfance, mais elle semble bouleversée par quelque chose. Par un amour transgressif? Par le passage troublant de l'adolescence à l'âge adulte?
C'est une peinture éclatante. La jeune fille illumine le tableau, elle émerge sur le fond sombre, elle est éblouissante. Son visage est transfiguré par la lumière.
Tout est duel dans cette oeuvre, la lumière et les ténèbres, l'innocence et la connaissance...