Je viens de terminer ce roman que j'avais lu il y a longtemps et que j'ai eu envie de relire.
Aldous Huxley l'a écrit en 1932. Le titre original, Brave New World, est tiré de la pièce de Shakespeare The Tempest. D'ailleurs, une grande partie du roman est ponctuée de citations extraites des pièces de Shakespeare, pensées à valeur étonnamment intemporelle, qui nous font réfléchir à notre condition humaine. Quant au titre français, il est emprunté au Candide de Voltaire.
On peut considérer que ce roman est "dystopique" (anti-utopique), car il décrit une civilisation terrifiante où le libre arbitre n'a pas de place, où chaque membre de la société est conditionné pour se conduire de la façon voulue par les gouvernants et surtout pour ne pas représenter un danger pour l'équilibre de l'ordre social.
Tout commence dans des laboratoires, où les bébés sont fécondés et où les foetus évoluent dans des flacons. La reproduction sexuée n'existe pas. La société est composée de 5 castes:
- les Alpha, élite dirigeante, programmés pour être intelligents.
- les Bêta, travailleurs intelligents qui occupent des fonctions importantes.
- les Gamma, qui constituent la classe moyenne.
- les Delta et les Epsilons sont programmés pour occuper des postes jugés dégradants.
Les embryons subissent des traitements particuliers qui les conditionnent pour leur future place dans la hiérarchie sociale. Par exemple, les embryons des castes inférieures reçoivent une dose d'alcool qui freine leur développement intellectuel. Les enfants reçoivent un enseignement hypnopédique (leçons orales) durant leur sommeil qui les conditionne, qui les oriente dans leurs goûts, leurs penchants, leurs idées. Tout est prédeterminé. Nulle place pour le libre-arbitre, pour la volonté personnelle, pour l'esprit critique, rien ne différencie les membres d'une même caste. Tous les êtres sont jumeaux, jumeaux physiques et mentaux.
La famille n'existe pas. Les enfants n'ont ni père ni mère. On fait tout pour que les sentiments non plus n'existent pas. Personne n'a de partenaire stable. On incite les gens à avoir de multiples partenaires sexuels auxquels on ne s'attache pas. Le sexe n'est qu'un loisir. Les femmes sont considérées comme de la viande.
La jalousie, la possessivité, la tristesse, la colère n'existent pas, car dès que ces sentiments apparaissent, on les fait disparaître grâce à une drogue, le Soma, qui efface tous les problèmes existentiels et qui maintient la cohésion de l'ordre social. Chacun est à sa place, docile et heureux. Personne ne revendique jamais rien. La liberté n'existe pas. Les gens n'ont plus rien d'humain et aucune identité individuelle. Les sentiments profonds n'existent pas et l'intelligence n'est pas compatible avec ce monde où tous agissent comme des robots téléguidés.
Certains Alpha sont tout de même conscients de l'état de dépendance dans lequel tout le monde se trouve, et du manque d'indépendance d'esprit. C'est le cas de Bernard Marx (un Alpha), qui est un élément subversif. Il remet en cause les fondements du système. Il ne prend pas de Soma car "il préfère être lui-même et triste qu'une autre personne heureuse" artificiellement.
Un jour il obtient l'autorisation d'aller visiter une réserve à sauvages au Nouveau-Mexique. Ces "sauvages" vivent comme autrefois, en famille, croient en Dieu, etc... Là il rencontre un "sauvage", John, qui a lu Shakespeare, auteur censuré dans le "nouveau monde". John souhaite connaître le nouveau monde. Bernard le ramène donc avec lui. Le choc culturel est énorme. Lorsque sa mère meurt, John suscite la curiosité de tout le monde à cause de son chagrin, car dans ce nouveau monde, on est aussi conditionné pour ne pas éprouver de tristesse face à la mort.
John tombe amoureux de Lénina, une belle Bêta, mais leur conception de l'amour diffère, John possède des valeurs morales (chasteté, fidélité), dont Lénina est dépourvue, et refuse d'avoir une relation avec elle. Dans ce monde, tout le monde appartient à tout le monde. John tente de dissuader les gens de prendre du Soma, en en jetant à la poubelle. Suite à cet acte séditieux, ses 2 compères sont exilés sur une île afin d'empêcher leurs pensées hérétiques de se propager. Quant à John, il s'enfuit et se réfugie dans un phare. Il se flagelle régulièrement pour se punir de désirer Lénina, qu'il considère comme lubrique et impure. Il ne peut vivre en paix car les badauds et les médias le harcèlent de leur présence continuelle. A la fin du roman, John se suicide, dégoûté de sa propre conduite, suite à une orgie à laquelle les badauds l'ont poussé à participer.
Citations de Shakespeare tirées du roman:
"Exposer ce qui est mortel au hasard, au danger, à la mort". (Hamlet)
John veut vivre, prendre des risques, plutôt que de végéter et de connaître la platitude d'un confort sécurisant.
"Life is a tale told by an idiot, full sound and fury, signifying nothing" (Macbeth)
"La vie est un conte, raconté par un idiot, plein de bruit et de fureur, dénué de sens."
"Des mouches pour des gamins méchants. Voilà ce que nous sommes pour les dieux. Ils nous tuent pour s'amuser". (Le Roi Lear)
"Le meilleur de ton repos, c'est le sommeil. Cependant, tu crains violemment la mort qui n'est rien de plus". (Measure for Measure)
Ce roman est considéré comme un chef-d'oeuvre de la science-fiction. C'est assez compréhensible. J'aime la SF car elle a un lien avec la métaphysique. Bien souvent les romans de SF posent la question de la raison de notre présence sur Terre, de la mort, du mystère de la création du monde, de l'inconnaissable.