J'ai vu récemment l'excellente émission sur le Château de Fontainebleau où l'on a notamment retracé la triste histoire de la Tour de Nesle.
Je me suis souvenue de cette histoire que j'avais lue dans le célèbre livre de Maurice Druon, Les Rois Maudits (1955), et j'ai eu envie de me remémorer l'histoire.
Alors voilà:
Cette tour est élevée sur la rive gauche de la Seine et fait face à la tour du Louvre. Ces tours font partie des quatre murs d'enceinte construites en 1214 pour protéger Paris.
L'affaire de la tour de Nesle est le nom donné à une affaire d'État au XIVe siècle concernant les trois belles-filles de Philippe le Bel.
Philippe le Bel (1268-1314)
Philippe le Bel a trois fils, Louis X le Hutin (le querelleur), Philippe V le Long et Charles IV le Bel, qu'il marie avec trois princesses. Louis épouse Marguerite de Bourgogne; Philippe épouse Jeanne de Bourgogne ; enfin, Charles épouse Blanche de Bourgogne la soeur de Jeanne.
Très liées entre elles, les princesses font souffler un vent de gaieté et de charme sur la cour austère du Roi. Leur élégance et leur coquetterie font bientôt naître une rumeur destructrice. Elles sont soupçonnées de recevoir des jeunes gens. Toutefois, aucune preuve ne vient étayer ces accusations et les princesses poursuivent leur joyeuse vie.
Louis X (1289-1316)
Marguerite de Bourgogne (1290-1315)
La visite à Paris du roi d'Angleterre Edouard II et de sa femme Isabelle, fille de Philippe le Bel, en 1314, sonne le glas de leurs beaux jours. Au cours d'une des fêtes données par Philippe le Bel en l'honneur de ses hôtes , Isabelle remarque que deux chevaliers portent à la ceinture des aumônières semblables à celles qu'elle a offertes quelques mois plus tôt à deux de ses belles-sœurs, Marguerite et Blanche. Elle s'empresse de signaler les frères Gauthier et Philippe d'Aunay à son père. L'enquête ordonnée par le roi confirme les faits. Arrêtés, les frères d'Aunay résistent à la question, puis sous la torture, ils finissent par avouer leurs relations avec les princesses, qui duraient depuis trois ans. On ne connaît aucun amant à Jeanne, mais elle est coupable d'avoir couvert les débordements de ses belles-sœurs. Les deux frères sont roués vifs, écorchés vifs, émasculés, du plomb soufré en ébullition épandu sur eux, traînés par des chevaux avant d'être décapités le 19 avril 1314 puis pendus par les aisselles à des gibets.
Philippe V (1292-3-1322) Jeanne de Bourgogne (1293-1349)
Marguerite et Blanche sont tondues, habillées de bure et jetées au cachot.
Marguerite reste enfermée à Château Gaillard où elle meurt en 1315 , des suites du traitement qu'on lui a fait subir, même si la légende veut que son mari, devenu Louis X, l'ait faite assassiner.
Jeanne est acquittée, faute de preuves. Elle reste toutefois en résidence surveillée au Château de Dourdan. Philippe V envisage de la répudier mais il devrait alors rendre la Franche-Comté qu'elle a apportée en dot. Il calcule alors que son « honneur conjugal » ne vaut pas cette perte. En 1316, il accède au trône. Jeanne devient donc reine de France. Philippe lui offre la tour et l'hôtel de Nesle en 1319, soit cinq ans après l'affaire. Après la mort de Philippe V , elle y installe définitivement sa résidence.
Blanche de Bourgogne (v.1296-1326) Charles IV (1294-1328)
L'annulation du mariage de Blanche (toujours emprisonnée) est prononcée en 1322, quand son mari, Charles IV, devient roi de France. Elle se retire alors à l'abbaye de Maubuisson où elle meurt en 1326.
L'infidélité des brus de Philippe le Bel, fait historique avéré, a donné naissance à une légende qui n'est confirmée par aucun témoignage de l'époque.
Selon cette légende, une reine de France se serait livrée dans la Tour à la débauche, avant de faire jeter ses amants à la Seine, cousus dans un sac. Le nom de la reine n'est pas précisé, mais la légende y verrait bien Jeanne de Bourgogne. D'autres y ont placé les débauches de Blanche et Marguerite.
À son tour, Brantôme (curé, écrivain, courtian), se fit l'écho de cette histoire : « Que cette reyne qui se tenoit à l'hôtel de Nesles à Paris, laquelle faisait le guet aux passants et ceux qui les agréoient, de quelque sorte de gens qu'ils fussent, les faisoit appeler et venus à soy, et après en avoir tiré ce qu'elle en vouloit, les faisoit précipiter du haut de la tour qui paroist encore, en bas de l'eau et les faisait noyer. » L'écrivain reste cependant prudent : « Je ne peux pas dire que cela soit vray, mais le vulgaire, au moins la plupart de Paris l'affirme. »
(texte adapté de Wikipedia)
Norman Rockwell- Gossip (1948)
La Rumeur
Elle est rapide et court plus vite que le vent.
Impétueuse, elle se gonfle au passage, s’enfle
Comme l’eau d’un torrent lorsque fondent les glaces.
Elle a des milliers d’yeux qui regardent partout,
Des milliers d’oreilles qui entendent tout et même plus
Et des bouches… des bouches énormes qui chuchotent ou qui crient,
Des langues bien pendues qui s’agitent, infatigables.
Elle fait son chemin comme une traînée de poudre
Et pareillement elle s’enflamme, nul ne peut la maîtriser.
On a beau éteindre l’incendie,
Les traces restent là, laides et indélébiles.
Pire : la rumeur, plus forte qu’une hydre,
A sans cesse des têtes qui repoussent
Et leurs langues fourchues crachent des poisons acides
Qui assèchent les coeurs et abîment l’âme de ceux qui les écoutent…
(Auteur inconnu)